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Contentieux éolien : le critère de la visibilité n’est pas toujours suffisant pour donner intérêt à agir (CAA Douai, n°14DA00881, 2 juin 2016)

Par une décision du 2 juin 2016 la Cour administrative de Douai apporte des précisions intéressantes sur la façon d’appliquer les critères de l’intérêt à agir de requérants personnes physiques dégagés par le Conseil d’Etat.

Dans cette affaire quatre requérants demandaient l’annulation de trois permis de construire portant sur la construction d’un parc éolien composé de huit éoliennes.

Le Tribunal administratif d’Amiens ayant fait droit à leur demande en annulant les permis de construire, la société pétitionnaire a formé un appel de ce jugement en invoquant, à l’appui de sa requête d’appel, la tardiveté des demandes d’annulation et le défaut d’intérêt à agir des requérants.

Pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants se fondaient sur le critère de la visibilité, prétendant que les éoliennes du projet seraient visibles depuis leurs domiciles situés à une distance de 3 à 5 kilomètres.

La Cour administratif d’appel de Douai confirme que « au regard de la configuration des lieux et en dépit de la présence d'obstacles visuels » il n’est pas sérieusement contesté que « des éoliennes pourront être visibles par les intéressés ».

Toutefois, ce critère de visibilité ne semble pas suffire aux juges d’appel.

Ceux-ci poursuivent en affirmant que « cependant, en tout état de cause, compte tenu de la distance qui les sépare des propriétés concernées, et en l'absence de circonstance particulière, les domiciles [des intéressés] ne peuvent être regardés comme situés dans le voisinage du parc éolien » et que, par suite, les requérants « ne [justifiaient] pas d'un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité à agir contre les permis de construire attaqués ».

Cet arrêt est une illustration intéressante de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a rappelé dans une décision de 2005 les critères d’appréciation de l’intérêt à agir des requérants en matière de recours contre un permis de construire, en particulier, s’agissant du contentieux éolien.

Au terme de sa jurisprudence, plusieurs critères permettent d’apprécier l’intérêt à agir d’un requérant dans le cadre d’un recours contre un permis de construire : (i) un critère principal tiré de la visibilité et (ii) des critères complémentaires tirés de la distance, de la hauteur de la construction, de la conformation du terrain ou encore des nuisances sonores du projet (CE, 15 avril 2005, Assoc. des citoyens et contribuables de la communauté de communes de Saane-et-Vienne, n°273398, mentionné aux Tables).

En l’occurrence, dans l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Douai, bien que les constructions aient été considérées comme visibles depuis les domiciles des requérants, les juges ont estimé que la distance séparant les propriétés des éoliennes était trop importante pour qu’elles soient considérées comme situées dans le voisinage du parc et, surtout, pour donner aux requérants un intérêt à agir à l’encontre des permis.

Cette application peut sembler sévère mais doit être approuvée : elle s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence.

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai est également intéressant à un second titre.

En effet, l’un des requérants – dont l’habitation n’était pas aussi éloignée du parc contesté – n’avait formé un recours gracieux qu’à l’encontre d’un seul des quatre permis de construire du parc. La Cour a constaté que, bien qu’il ait ensuite voulu étendre le recours contentieux qu’il a introduit à l’encontre de ce permis de construire aux autres permis du projet, ces conclusions d’annulation devaient être considérées comme irrecevables dans la mesure où le recours gracieux n’avait prorogé le recours contentieux qu’à l’égard du permis de construire contesté.

En d’autres termes, faute d’avoir formé un recours gracieux visant l’ensemble des permis de construire, les délais de recours à l’encontre des permis non visés dans le recours gracieux ne sont pas prorogés et les recours contentieux formés ultérieurement peuvent être irrecevables de ce fait.

De plus, s’agissant de l’intérêt à agir de ce requérant contre le seul permis pour lequel les conclusions étaient recevables, la Cour observe que, s’il est possible que le parc éolien soit visible depuis le domicile du requérant, celui-ci « ne justifie pas que les constructions qui seraient visibles concernent les aérogénérateurs [autorisés par ledit permis] ». En conséquence, les juges d’appel considèrent que ce dernier requérant ne justifie pas non plus d’un intérêt à agir à l’encontre du permis de construire.

Cet arrêt confirme le déplacement de plus en plus fréquent du débat en matière d’urbanisme et de contentieux éolien sur l’intérêt à agir des requérants. Récemment, l’intérêt à agir a d’ailleurs donné lieu à plusieurs décisions remarquées du Conseil d’Etat qui ont suivi l’introduction des nouvelles dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme (CE 10 juin 2015, n°386121 et CE 10 février 2016, n°387507, s’agissant la charge de la preuve de l’intérêt à agir du requérants ; CE 13 avr. 2016, n°389798, s’agissant de la situation du voisin immédiat).

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