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Contentieux éolien : rappel sur l’appréciation de l’intérêt à agir par le juge administratif et sur l’importance des règles locales d’urbanisme

Par une décision du 8 juillet 2016 (CE 8 juillet 2016, Sté Eco Delta Développement, n°376344), le Conseil d’Etat rappelle les conditions dans lesquelles doit s’apprécier l’intérêt à agir dans le cadre d’un contentieux éolien de personnes physiques et d’une association dont les statuts ne précisent pas le ressort géographique. Sur le fond, cette décision rappelle également l’importance pour les porteurs de projet de vérifier que leur projet est compatible avec l’ensemble des règles des documents locaux d’urbanisme.

Quatre requérants personnes physiques ainsi que l’association Chabannaise pour la qualité de vie demandaient au tribunal administratif de Marseille l’annulation de l’arrêté du 23 février 2007 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence avait délivré un permis de construire pour un parc éolien composé de cinq mats.

Suite au rejet de leur demande, ils ont interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui a annulé le jugement ainsi que l’arrêté par un arrêt du 31 mars 2011 (n°09MA01499). Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi de la société de projet et du ministère, a annulé cet arrêt par une décision du 13 juillet 2012 (n°349747-349895) et renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

Par un arrêt du 16 janvier 2014, n°12MA03203, la Cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, rejeté comme étant irrecevable en l’absence d’intérêt à agir les demandes de l’association Chabannaise pour la qualité de vie ainsi que d’un des requérants, et d’autre part, annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille et l’autorisation d’urbanisme litigieuse.

La société de projet a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. L’association a quant à elle formé un pourvoi provoqué à la suite de ce pourvoi.

 

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat procède à l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille sur le fondement de deux erreurs de droit relatives à la recevabilité des requêtes.

En premier lieu, concernant la recevabilité des requérants personnes physiques, la Cour administrative d’appel avait admis la recevabilité des requérants physiques en se fondant sur le critère de visibilité, le projet concerné par l’autorisation d’urbanisme étant visible depuis le quartier où résident deux des requérants et depuis la place du village où se situe la propriété d’un autre requérant.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse en rappelant que le critère de visibilité doit s’apprécier depuis l’habitation de chaque requérant. La preuve d’une telle visibilité peut être rapportée par la production de photomontages permettant d’établir la visibilité directe des éoliennes depuis les propriétés des requérants, qui justifient ainsi d’un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l’annulation de l’autorisation d’urbanisme.

En deuxième lieu, concernant la recevabilité de l’association, la Cour administrative d’appel avait rejeté la requête de l’association Chabannaise pour la qualité de vie en raison de l’absence de précision dans ses statuts de son ressort géographique, ce dont elle avait déduit que son champ d’action était national et donc excédait la portée de la décision litigieuse.

Pour mémoire, pour qu’un recours d’une association soit recevable, le juge administratif exige que la décision attaquée lèse directement ses intérêts définis par son objet et que le champ d’action géographique de l’association soit en adéquation avec celui de l’autorisation d’urbanisme attaquée.

Le Conseil d’Etat précise par ailleurs qu’en l’absence de précision géographique dans les statuts de l’association, le juge administratif doit se fonder sur un faisceau d’indice pour déterminer le champ d’intervention de l’association :

«  qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui appartenait, en l’absence de précisions sur le champ d’intervention de l’association dans les stipulations de ses statuts définissant son objet, d’apprécier son intérêt à agir au regard de son champ d’intervention, en prenant en compte les indications fournies sur ce point par les autres stipulations de ses statuts, notamment par le titre de l’association et les conditions d’adhésion, éclairées, le cas échéant, par d’autres pièces du dossier qui lui était soumis, la cour a commis une erreur de droit » (CE 17 mars 2014, Association des consommateurs de la Fontaulière, n°354596).

En application de ce principe, le Conseil d’Etat va donc casser l’arrêt, la Cour administrative d’appel de Marseille n’ayant pas procédé à l’examen de ces éléments et par conséquent, commis une erreur de droit.

 

Dans un second temps, statuant au fond, le Conseil d’Etat va admettre la recevabilité des requêtes en s’appuyant sur la production de photomontages permettant d’établir la visibilité des éoliennes depuis les propriétés respectives des requérants personnes physiques, et donc un intérêt à agir contre l’autorisation d’urbanisme.

Concernant l’intérêt à agir de l’association, le Conseil d’Etat va se fonder sur le titre de l’association et ses statuts. En effet, le nom de l’association se référant au quartier et au vallon où est prévu le projet litigieux, et l’article 2 de ses statuts lui donnant pour objet la défense de l’environnement, l’association Chabannaise pour la qualité de vie a donc un champ d’intervention géographique et matériel lui donnant qualité pour contester l’autorisation d’urbanisme.

Après avoir admis la recevabilité des requérants, le Conseil d’Etat procède à l’annulation de l’autorisation d’urbanisme pour méconnaissance des règles du plan d’occupation des sols.

En l’espèce, le Conseil d’Etat précise que les ouvrages techniques d’intérêt public sont admis en zone ND, sous réserve, d’une part qu’ils soient compatibles avec les occupations du sol destinées à l’exploitation du milieu, et d’autre part, qu’ils soient conciliables avec les prescriptions du plan d’occupation des sols applicables à cette zone naturelle à protéger.

Bien que le projet constitué de cinq éoliennes soit un ouvrage technique d’intérêt collectif car ayant pour objet de satisfaire un besoin collectif par la production d’électricité vendue au public, et soit donc autorisé en zone naturelle et forestière, l’ampleur des destructions nécessitées, trois hectares de plantation protégées, est contraire aux prescriptions de l’article 13 du POS qui prévoit en zone naturelle le principe du maintien des plantations existantes, sauf si elles entravent la pratique agricole ou pour les besoins d’une bonne gestion forestière.

Enfin, le Conseil d’Etat précise qu’il n’est pas établi que ce vice pourrait être régularisé par un permis modificatif.

Il prononce donc l’annulation de l’arrêté, près de dix ans après sa délivrance…

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