Dans cette affaire, les permis de construire délivrés pour quatre importantes opérations immobilières ont fait l’objet, en l’espace de six mois, de recours en annulation devant le juge administratif, déposés juste avant l’expiration du délai de recours. Immédiatement après, les auteurs des recours ont engagé avec les promoteurs des négociations en vue de leur désistement, qui ont abouti au versement par ces derniers, dans deux affaires, de sommes élevées (entre 2 et 5 millions de francs, soit entre 300.000 et 750.000 euros).
A l’origine de ces recours, se trouvaient d’anciens directeurs d’une société de promotion immobilière intervenue dans deux des projets en cause. Ces postes de directeur leur ont permis d’accéder à des informations privilégiées, lesquelles ont été exploitées par un avocat. Pour s’assurer un intérêt à agir à l’encontre des permis de construire, l’un de ces anciens directeurs a fait déposer les recours par deux dirigeants de sociétés immobilières sans activité, lesquels ont acquis un bien dans la zone de travaux d’une des opérations, et par le propriétaire d’un immeuble dans le périmètre d’un des autres projets.
La Cour d’appel de Paris ayant condamné l’ensemble de ces intervenants pour escroquerie et tentatives, ces derniers se sont pourvus en cassation.
A cette occasion, la Cour de cassation confirme pour la première fois une condamnation pénale ayant pour cause des recours abusifs contre des permis de construire. S’appropriant la solution retenue par la Cour d’appel, elle considère que « si l'exercice d'une action en justice constitue un droit, son utilisation, hors le dessein de faire assurer ou protéger un droit légitime et après qu'un intérêt à agir eut été artificiellement créé dans le seul but d'obtenir le versement de sommes au titre d'une transaction, constitue une manœuvre déterminante de la remise des fonds ».
La Cour reconnaît ainsi que les deux éléments constitutifs de l’escroquerie (l’existence d’une manœuvre frauduleuse et la causalité entre cette manœuvre et le versement de fonds) sont caractérisés, au regard de l’article 313-1 du Code pénal.
Cette solution élargit les possibilités de sanctionner les auteurs de recours malveillants à l’encontre des permis de construire, voire d’autres autorisations d’urbanisme, peu de temps après que l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 ait ouvert la possibilité de condamner ces auteurs à verser des dommages-intérêts au bénéficiaire du permis si ce dernier a subi un préjudice excessif (article L. 600-7 du code de l’urbanisme).