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Du contrôle de légalité vers le « conseil » de légalité…

Paru au journal officiel du 27 mai, entré en vigueur ce jour, le décret n° 2020-634 du 25 mai 2020 vient préciser les modalités de mise en œuvre d’une procédure instaurée par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (dite loi « Engagement et proximité »), et codifiée à l’article L. 1116-1 du code général des collectivités territoriales (« CGCT »), à savoir la « demande de prise de position formelle ».

A l’instar de la procédure de rescrit, la demande de prise de position formelle a pour objectif d’obtenir de l’administration une interprétation de l’application d’une norme à une situation de fait, qui l’engage et lui est opposable. Ces procédures sont néanmoins différentes à plusieurs égards, notamment dans la mesure où le rescrit concerne les rapports entre les administrés et l’administration, tandis que la demande de prise de position formelle concerne ceux entre les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements d’une part et le préfet de l’autre. 

 

 

Si ces rapports entre les collectivités et le préfet s’articulent d’ores et déjà autour du contrôle de légalité, qui intervient postérieurement à l’adoption d’un acte administratif, ils sont désormais complétés par un « conseil » de légalité, qui peut précéder cette adoption.

En effet, l’intention législative qui préside à la création de l’article L. 1116-1 du CGCT au nombre des dispositions relatives à la « libre administration » des collectivités territoriales, est de « fluidifier les relations entre l'État et les collectivités territoriales » et d’apporter une sécurité juridique à ces dernières.

En ce sens, l’article susvisé précise que cette demande peut être formulée pr les personnes publiques concernées à l'égard d'un acte entrant dans le champ du déféré préfectoral dès lors qu'elle porte sur la mise en œuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif.

Le même article prescrit certaines conditions de forme de la demande – écrite, précise et complète – et prévoit, en outre, que le silence gardé par le préfet dans un délai de 3 mois vaut absence de prise de position et que si l'acte pris par la collectivité est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l'État ne peut plus le déférer au tribunal administratif, sauf changement de circonstances.

 

Les nouveaux articles R. 1116-1 et suivants du même code, créés par le présent décret, en précisent enfin les modalités d’application.

  • La transmission de la demande (et des compléments éventuels) au préfet et, réciproquement, la transmission de la prise de position formelle à l’autorité de saisine sont effectuées « par tout moyen permettant d’apporter la preuve de sa réception » (art. R. 1116-1 et R. 1116-5 du CGCT).
  • La date de réception de la demande (ou, le cas échéant, des compléments) marque le point de départ du délai de trois mois pour émettre une position formelle ou, à défaut, faire naître une « absence de position formelle » (art. R. 1116-3 du CGCT).
  • Le contenu de la demande doit traduire un effort de cadrage de la part de l’autorité de saisine puisqu’il lui incombe de déterminer les circonstances de fait et de droit du projet d’acte et de fournir toute information ou pièce utile à l’appréciation de cette demande – ce qui ne prive pas le préfet de solliciter des compléments (cf. supra). En outre, la demande peut porter sur une ou plusieurs questions de droit (art. R. 1116-2 du CGCT).
  • L’acte définitivement adopté doit être accompagné de la position formelle formulée à son égard lorsqu’il est finalement soumis au contrôle de légalité (art. R. 1116-5 du CGCT).

 

L’on peut toutefois émettre quelques réserves sur l’efficacité concrète de cette procédure.

En premier lieu, le recours à cette procédure est facultatif pour l’autorité de saisine, et la réponse à y donner l’est également pour le préfet : rien ne l’oblige à donner suite à une demande, ni à signifier qu’il n’entend pas y donner suite. Dès lors, cette procédure est dépendante du bon vouloir de chacun et pourrait aisément se trouver privée d’effet en pratique.

En deuxième lieu, la procédure est enfermée dans un délai relativement large, de 3 mois, qui peut d’ailleurs être différé par d’éventuelles demandes de compléments. Or, ce délai important risque de « figer » l’action de la collectivité territoriale dans l’attente d’adopter l’acte, au surplus, sans garantie d’obtenir à terme une position formelle (cf. supra). Elle pourrait en outre se heurter à l’obligation pour la collectivité territoriale de respecter d’autres délais, par exemple dans l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme..

En troisième et dernier lieu, la procédure organise les échanges entre l’autorité de saisine et le préfet de façon souple, mais laisse certains points en suspens : Quid du degré de précision des « compléments » qui peuvent être demandés par le préfet (et retarder d’autant la position formelle de façon dilatoire (cf. supra)) ? Quid de la publicité accordée à cette position formelle, à savoir si elle doit être visée par l’acte définitivement adopté ? Quid de la nature-même de cette position formelle, à savoir si elle constitue un document administratif soumis au droit à communication ?

 

Enfin, l’on rappellera que la mise en œuvre de cette procédure qui se solderait par une position formelle ne fait pas obstacle au déféré préfectoral dans plusieurs hypothèses, notamment si l’acte adopté n’est « pas conforme » à cette position, si les circonstances de droit ou de fait ont évolué depuis la demande qui y était associée ou si le recours du préfet concerne des questions de droit sur lesquelles il ne s’est pas prononcé.

Surtout, les tiers conservent l’entière possibilité d’exercer un recours à l’encontre de l’acte adopté dans son intégralité, sans devoir tenir compte de cette position formelle (qui pourrait, par extension, être considérée comme illégale par le juge administratif…).

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