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Expropriation : l’urgence à suspendre un arrêté de cessibilité est présumée, y compris une fois la propriété transférée !

Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi à l’encontre d’une ordonnance de référé-suspension relative à un arrêté de cessibilité (TA Nantes, ord., 16 décembre 2019, n°1912277), s’est prononcé sur les conditions de recevabilité posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative et, confirmant l’ordonnance déférée, pose une présomption d’urgence à suspendre l’arrêté de cessibilité indépendamment de la circonstance qu’une ordonnance d’expropriation soit intervenue (CE, 27 janvier 2021, n°437237, mentionné aux tables).

 

 

A titre liminaire, rappelons que la particularité de la procédure d’expropriation tient à son dualisme juridique : en premier lieu, l’autorité administrative doit démontrer l’utilité publique du projet par une déclaration d’utilité publique et identifier les parcelles nécessaires à ce dernier par un arrêté de cessibilité et, en second lieu, le juge judiciaire prononce le transfert juridique de propriété par une ordonnance d’expropriation (à défaut d’accord amiable). En pratique, ces deux phases, administrative et judiciaire, sont susceptibles de générer des contentieux parallèles devant des juridictions différentes et qui peuvent néanmoins être étroitement liés, de sorte que des mécanismes législatifs, réglementaires ou jurisprudentiels permettent de régir leurs interactions [1].

 

En l’espèce, les requérants avaient demandé au juge des référés de suspendre deux arrêtés du préfet de la Vendée, l’un déclarant d’utilité publique un projet qui vise à réaliser une zone d’aménagement concerté, l’autre déclarant cessible la parcelle dont ils sont propriétaires au profit d’un établissement public foncier. En parallèle, une ordonnance d’expropriation est intervenue en cours d’instance mais n’avait pas acquis de caractère définitif à la date où le juge des référés a statué.

 

Le Conseil d’Etat était amené à déterminer si l’intervention du transfert de propriété faisait obstacle à la reconnaissance d’une urgence à suspendre l’arrêté de cessibilité.

 

Il répond par la négative en retenant expressément que :

« Eu égard à l'objet d'un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d'urgence à laquelle est subordonné l'octroi d'une mesure de suspension en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l'expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s'attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'expropriation. Il en va ainsi alors même que l'ordonnance du juge de l'expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue »

 

Il s’agit d’une avancée notable, favorable aux expropriés.

 

Rappelons que le Conseil d’Etat a d’abord considéré qu’un référé-suspension à l’encontre d’un arrêté de cessibilité était dépourvu d’objet dès lors que l’ordonnance d’expropriation était définitive (v. en ce sens CE, 3 avril 2006, n°291023, au Recueil), puis a progressivement infléchi sa jurisprudence, en reconnaissant qu’un référé-suspension à l’encontre d’une déclaration d’utilité publique conserve son objet malgré le caractère définitif de cette ordonnance, sous réserve de démontrer une urgence ainsi qu’un doute sérieux sur la légalité de l’acte (CE, 3 novembre 2006, n°293794, mentionné aux tables).

Dans la droite ligne de cette évolution, le Conseil d’Etat a ensuite retenu que l’exproprié bénéficie d’une présomption d’urgence à solliciter la suspension de l’’arrêté de cessibilité, et ce jusqu’à l’intervention de l’ordonnance d’expropriation, à moins que l’expropriant ne justifie de circonstances particulières (CE, 5 décembre 2014, n°369522, mentionné aux tables).

 

Par la présente décision, le Conseil d’Etat poursuit cette logique en étendant le bénéfice de la présomption d’urgence y compris postérieurement à l’intervention de l’ordonnance d’expropriation.

Il y a lieu de relever que, dans son considérant de principe, il ne distingue pas si ladite ordonnance revêt ou non un caractère définitif et ce n’est qu’au titre de son contrôle du grief de dénaturation des faits et d’erreur de droit qu’il tient compte de la circonstance qu’en l’occurrence, l’ordonnance d’expropriation n’était pas définitive. Ce faisant, le Conseil d’Etat entérine la première solution proposée par son rapporteur public, dont les conclusions sont également mises en ligne.

 

[1] Par exemple, l’annulation définitive de l’arrêté de cessibilité ou de la déclaration d’utilité publique prononcée par le juge administrative postérieurement à l’ordonnance d’expropriation permet de saisir le juge judiciaire en vue de constater que ladite ordonnance est dépourvue de base légale et d’en tirer les conséquences sur le transfert de propriété (art. L. 223-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) et ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision définitive, c'est-à-dire de la décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire n’est possible – ce qui exclut le pourvoi en cassation – (Cass. 3ème civ. 12 juillet 2018, n°17-15.417)

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