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LA CJUE précise les régimes de protection institués par la directive « Habitats » et par la directive « Oiseaux »

Par un arrêt en date du 4 mars 2021, la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») statue à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 5 de la Directive « Oiseaux »[1] et de l’article 12 de la Directive « Habitats »[2], et consacre un régime strict de protection des espèces  (d’oiseaux et animales) (CJUE 4 mars 2021, aff. C-473/19 et C‑474/19, conclusions de J. KOKOTT).

 

Pour rappel, le régime de protection des espèces prescrit par le Droit de l’Union européenne implique l’interdiction d’un certain nombre d’atteintes aux espèces et à leurs habitats – listées par les articles susvisés – dont le respect est susceptible de restreindre l’activité humaine.

 

Saisie par une juridiction suédoise, sur recours d’associations de protection de l’environnement, la CJUE apporte des précisions sur l’étendue de cette protection et les conditions d’application de ces interdictions au sens (i) de l’article 5 de la Directive « Oiseaux », (ii) de l’article 12, §1, a) à c) de la Directive « Habitats » et (iii) de l’article 12, §1, d) de la Directive « Habitats ».

 

(i) Sur l’article 5 de la Directive « Oiseaux »

 

L’article 5 de la Directive « Oiseaux » oblige les Etats membres à prévoir un régime de protection des espèces d’oiseaux comportant les interdictions suivantes :

  • La mise à mort ou à la capture intentionnelle ;
  • La destruction ou l’endommagement intentionnel des nids et œufs ou l’enlèvement des nids ;
  • Le ramassage des œufs et leur détention, même vides ;
  • La perturbation intentionnelle significative, notamment durant la période de reproduction et de dépendance.

 

La CJUE précise, en réponse à la première question préjudicielle, que ces interdictions concernent toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire des Etats-membres et ne peuvent se limiter aux seules espèces listées à l’annexe I de ladite Directive, ni aux espèces menacées à un certain niveau ou dont la population serait en déclin.

 

La Cour observe ensuite que la législation suédoise n’opère pas de distinction entre les espèces visées par la Directive « Oiseaux » et celles visées par la Directive « Habitats ». Elle considère donc que la Suède a décidé d’appliquer le régime, plus restrictif, de la Directive « Habitat » à l’ensemble des espèces visées par ces deux textes et s’abstient donc de se prononcer sur l’interprétation de l’article 5 de la Directive « Oiseaux ».

 

Elle n’entérine donc pas, dans cette affaire, la distinction opérée par son avocate générale, qui considérait que la Directive « Oiseaux » devrait s’appliquer plus souplement que la Directive « Habitats » et qu’en conséquence, les interdictions de mise à mort, de capture, de destruction ou d’endommagement des nids et œufs, dès lors que l’atteinte n’était pas voulue mais seulement acceptée, ne s’appliquaient « que dans la mesure nécessaire pour maintenir ou adapter ces espèces à un niveau qui correspond aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles […] tout en tenant compte des exigences économiques et récréationnelles ».

 

(ii) Sur l’article 12, §1, a) à c) de la Directive « Habitats »

 

L’article 12, §1, a) à c) de la Directive « Habitats » prévoit l’interdiction des atteintes suivantes aux espèces visées à l’annexe IV:

  • La capture ou la mise à mort intentionnelle de spécimens ;
  • La perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ;
  • La destruction ou le ramassage intentionnels des œufs.

 

La Cour considère, dans un premier temps, que ces interdictions s’appliquent à toute activité humaine, y compris celles dont l’objet est manifestement autre que la mise à mort ou la perturbation de ces espèces. Le caractère intentionnel englobe donc les activités, telles « qu’une activité d’exploitation forestière ou d’occupation des sols », pour lesquelles l’auteur a accepté la possibilité qu’elles aient pour conséquences la mise à mort ou la perturbation de ces espèces, même si elles n’ont pas cette finalité.

 

La Cour précise, dans un second temps, que ces interdictions ne peuvent être subordonnées à l’existence d’un risque d’incidence négative sur l’état de conservation des espèces, dès lors qu’elles concernent les atteintes aux individus et non pas aux espèces.

 

Une autre interprétation priverait en outre d’effet utile les dispositions de l’article 16 de la Directive qui permettent l’octroi de dérogation aux interdictions prévues, après un examen de l’incidence d’une activité sur l’état de conservation de l’espèce animale concernée.

 

Ces interdictions concernent enfin toutes les espèces visées par la Directive, y compris celles qui ont atteint un état de conservation favorable.

 

La Cour s’écarte donc sur ce point des conclusions de son avocate générale qui souhaitait procéder à une distinction entre la capture, la mise à mort ou la destruction de spécimens (Art. 12 §1 a) et c)), interdictions applicables sans limitation, pour chaque spécimen pris individuellement, de la perturbation intentionnelle de ces espèces qui serait limitée aux actes particulièrement susceptibles d’affecter l’état de conservation des espèces protégées (Art. 12 §1 b)).

 

Par ailleurs, la CJUE rappelle l’obligation des Etats membres d’adopter un cadre législatif complet et, surtout, de mettre en œuvre des mesures concrètes et spécifiques de protection, dont des mesures à titre préventif.

 

(iii) Sur l’article 12, §1, d) de la Directive « Habitats ».

 

L’article 12, §1, d) de la Directive « Habitats » vise l’interdiction de l’atteinte suivante :

  • La détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos

 

La CJUE rappelle que contrairement aux cas a ) à c) visés par ce même article, cette interdiction s’applique tant aux actes intentionnels qu’aux actes non-intentionnels et indépendamment du nombre de spécimens de l’espèce concernés présents dans la zone. Cette interdiction s’impose donc y compris lorsque l’état de conservation de l’espèce concernée ne risque pas de subir d’incidence négative.

 

En définitive, la CJUE consacre une protection des espèces stricte, au champ d’application large, qui soulève des interrogations tant sur la conformité de la jurisprudence et de la « pratique » française au droit de l’Union européenne, que sur la recherche d’un équilibre entre les activités dont la finalité n’est pas la perturbation ou la destruction des espèces considérées, et les objectifs des directives.

 

 

[1]      Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages

[2]      Directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages

 

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