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Le contentieux, un levier vers l’accélération du développement des EnR ?

Au JO du 30 octobre est paru le décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité. Comme l’indique son intitulé, il s’agit d’un (énième) texte règlementaire qui extrait du droit commun certaines règles applicables au contentieux de l’environnement et de l’énergie et les attrait à un régime dérogatoire.

Un nouvel article R. 311-6 vient étoffer le code de justice administrative.

Il concerne plusieurs filières EnR (solaire, biogaz, géothermie, hydroélectricité…) à l’exception de l’éolien (secteur déjà soumis, pour rappel, à des règles contentieuses spéciales), et s’étend notamment aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité qui y sont liés.

Il prévoit toutefois un seuil de puissance de 5MW pour les installations photovoltaïques et 3MW pour les installations hydroélectriques en deçà desquels les décisions qui s’y rapportent échappent au nouveau dispositif.

L’article R. 311-6 s’applique à une vingtaine de décisions d’octroi et de refus nécessaires à la mise en œuvre des installations concernées (ie : autorisation environnementale, dérogation « espèces protégées », permis de construire, enregistrement ou déclaration ICPE, autorisations de défrichement…) dès lors qu’elles sont délivrées entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026.

En revanche, il ne s’applique aux décisions qui relèvent en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat (art. R. 311-1) ou des tribunaux administratifs (art. R. 811-1-1).

La première modification du régime contentieux pour les décisions entrant dans le champ d’application du décret consiste en l’application (i) d’un délai de recours contentieux de 2 mois (ii) qui n’est pas prorogeable par l’exercice d’un recours administratif préalable. A titre de comparaison, le délai de recours contentieux à l’encontre d’une autorisation environnementale est en principe de 4 mois pour les tiers, 2 mois pour les pétitionnaires, prorogeable de 2 mois si un recours administratif est exercé (art. R. 181-50 du code de l’environnement).

En outre, le décret impose aux juges (i) un délai d’instruction des instances concernées de 10 mois à compter de l’enregistrement de la requête, en première instance comme en appel et (ii) un délai d’instruction de 6 mois des mesures de régularisation éventuellement ordonnées dans le délai de 10 mois susvisé, et ce à compter de l’enregistrement du mémoire qui les transmet.

Le non-respect de ces délais est sanctionné par un mécanisme de dessaisissement et transmission automatique du litige à la juridiction de second degré voire au juge de cassation. Si un mécanisme similaire existe déjà à l’égard des contentieux très spécifiques des élections des conseillers départementaux et municipaux (art. R. 117 et R. 121 du code électoral) ainsi que des plans de sauvegarde de l’emploi (art. L. 1235-7-1 du code du travail), il prend ici une dimension inédite.

Face au retard de la France sur ses objectifs 2020 de déploiement des énergies renouvelables, le gouvernement entend donc remédier à l’un des facteurs en cause, qui serait la « lenteur » des instances juridictionnelles.

Ce décret, dont le projet avait reçu un avis défavorable du Conseil supérieur des tribunaux administratifs, doit toutefois démontrer sa pertinence car si les juridictions saisies ne parviennent pas à instruire les dossiers dans le temps imparti, le mécanisme de dessaisissement instauré pourrait conduire à un allongement global des procédures voire à un encombrement de dossiers, notamment devant le Conseil d’Etat qui, lui, n’est contraint par aucun délai.

Enfin, nous attirons l’attention des porteurs de projet sur le fait que ce décret est de nature à faire perdre tout intérêt pratique à l’exercice d’un recours administratif en cas de refus opposé à une demande.

Source utile : décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022

Contact : Kalliopé · Jocelyn Duval · Avocat associé · jduval@kalliope-law.com

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