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Les apports de la Loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a été publiée au JORF du 24 mars.

Elle vise à :

  • instaurer un dispositif d'état d'urgence sanitaire (1.) ;
  • prendre des mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie (2.) ;
  • organiser le report du second tour des élections municipales et communautaires (3.).

1.L’état d’urgence sanitaire

 

Face à la crise sanitaire du covid-19, le gouvernement a dû mettre en place des mesures inédites en France pour lesquelles il n’existait pas de cadre législatif préexistant de sorte que l’ensemble de textes, adoptés avant l’instauration de cette loi d’urgence, était fondé sur une pluralité de bases juridiques tant législative que jurisprudentielle. À ce titre, on peut distinguer :

d’une part, le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 pris par le Premier ministre sur le fondement de ses pouvoirs de police en application de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles (cf. CE, 28 juin 1918, Heyries ; CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent) ;
d’autre part, un ensemble d’arrêtés du ministre de la Santé ayant été pris sur le fondement des mesures d’urgence pouvant être adoptées en cas de menaces sanitaires graves, conformément à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique (CSP). Cette disposition a donné une base juridique à l’arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 proscrivant tout rassemblement plus de 100 personnes en milieu clos et l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, obligeant à la fermeture de tous les établissements recevant du public (ERP) sauf ceux de première nécessité ;
enfin, au visa de l’article L. 410-2 du code de commerce, le décret n° 2020-197 du 5 mars 2020 plafonnant le prix de vente des gels hydroalcooliques.

Cette multiplicité de fondements juridiques semblait poser plusieurs problèmes. Tout d’abord, elle apportait une insécurité juridique en raison de la complexité de l’articulation des différentes compétences, ainsi que des doutes quant au respect des critères d’application des théories jurisprudentielles. À titre d’exemple, plusieurs arrêtés ont été pris par les préfets des premiers départements touchés par l’épidémie, or l’on peut s’interroger sur la légalité de ces dispositions compte tenu de l’absence d’habilitation expresse de ces préfets par le ministre de la Santé sur le fondement de l’article L. 3131-1 du CSP.

En outre, ces fondements n'apportaient que peu de précisions sur les mesures pouvant être prises, ainsi que sur les sanctions qui pouvaient sembler insuffisantes pour garantir le respect de ces mesures. Il en résulte que le gouvernement a été contraint de recourir à l’article R. 610-1 du code pénal permettant de déterminer des contraventions par décret en Conseil d’État. Le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 a ainsi créé une contravention de la 4e classe en cas de violation des interdictions ou en cas de manquement aux obligations édictées par le décret du 16 mars 2020.

Enfin, comme le souligne l’exposé des motifs de la Loi, cet amoncellement de textes posait des problèmes de transparence tant au regard du contrôle politique par le Parlement que vis-à-vis des citoyens, notamment sur l’influence du Comité scientifique.

La Loi entend donc donner un cadre commun à valeur législative à toutes les mesures prises par le gouvernement pour faire face à l’épidémie du covid-19. À cet égard, cet objectif semble rempli, le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, pris au visa du nouvel article L. 3131-15 du CSP et de la Loi, reprend, en les clarifiant, l’ensemble des mesures mises en place par les textes précités et abroge ces derniers.

La Loi insère après le chapitre Ier du titre III, du livre 3 du CSP, un chapitre Ier bis instituant un état d’urgence sanitaire pour faire face à « une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population » (Art. L. 3131‑12 CSP).

Ce dispositif est inspiré de l’état d’urgence de droit commun (cf. Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence). Il en reprend notamment les conditions de déclenchement, à savoir une déclaration par décret motivé en conseil des ministres (Art. L. 3131‑13 CSP). Néanmoins, contrairement à la loi de 1955, l’autorisation du Parlement requise pour la prolongation de ce régime n’est nécessaire qu’après une durée d’un mois et non de 12 jours.

Concernant la durée de l’état d’urgence sanitaire mis en place pour la crise du covid-19, l’article 4 de la Loi prévoit que l’état d’urgence est déclaré pour de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la Loi, soit jusqu’au 24 mai 2020. Cependant, il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration de ce délai (Art. L. 3131‑14 du CSP).

Il convient de noter que le nouveau chapitre instituant le dispositif d’état d’urgence sanitaire n’est que temporaire et n’est applicable que jusqu’au 1er avril 2021. Autrement dit, après cette date, en cas de nouvelle pandémie, le gouvernement ne pourra plus déclencher d’état d’urgence sanitaire.

 

La Loi clarifie la répartition des compétences en période d’état d’urgence sanitaire :

  • les mesures de réquisition et celles portant atteinte à la liberté d’aller et de venir, à la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion sont prises par le Premier ministre, en application de son pouvoir de police générale au niveau national (Art. L. 3131‑15 du CSP) ;
  • le ministre de la Santé aura vocation quant à lui à prendre, par arrêté, les autres mesures, en particulier sanitaires, ainsi que les décisions individuelles nécessaires à l’application des mesures prises par le Premier ministre à l’exception de celles portant atteinte à la liberté d’entreprendre. (Art. L. 313116 du CSP) ;
  • le préfet peut être habilité à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions (Art. L. 3131‑17 CSP).

Toutes ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. La Loi précise sa volonté de ne pas inscrire ces mesures dans le temps et qu’il doit être mis fin sans délai à celles-ci lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

S’agissant des recours juridictionnels, les mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire peuvent faire l’objet, devant le juge administratif d’un référé liberté ou d’un référé suspension (Art. L. 3131‑18 CSP).

Enfin, la Loi met en place des sanctions se voulant d’une particulière sévérité afin d’assurer notamment l’effectivité des mesures de confinement.

D’une part, le fait de ne pas respecter les réquisitions de matériel est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende.

D’autre part, la violation des interdictions ou obligations édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est punie d’une amende de quatrième classe qui est forfaitisée à 135 € en application de l’article 529 du code de procédure pénale. Des sanctions spécifiques sont prévues en cas de récidive. À la première récidive, dans un délai de quinze jours, le contrevenant encourra une amende de cinquième classe. À la troisième récidive, dans un délai de trente jours, il encourra de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende, ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule. À noter que la peine de six mois d’emprisonnement permet de recourir à la procédure de comparution immédiate.

 

2. Mesures d’urgence économique et adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19

 

Pour faire face à la crise économique liée à crise sanitaire (la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 donne une prévision de croissance du PIB de – 1 % pour 2020) et aux problèmes liés aux les mesures de confinement, la loi habilite le Gouvernement à prendre, dans un délai de trois mois, une série d’ordonnances.

Les mesures prises sur le fondement de ces ordonnances pourront entrer en vigueur rétroactivement à compter du 12 mars 2020. Il convient de rappeler que cette solution relève de l’exception. En effet, l’article 2 du code civil précise que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Toutefois, sans nécessairement remettre intégralement en cause le principe de la non-rétroactivité des lois nouvelles, les différentes juridictions suprêmes ont avalisé la possibilité d’introduire des exceptions à ce principe. En effet, dès lors qu’un intérêt supérieur se présente, il est possible à l’autorité de faire application immédiate de la norme postérieure. Le Conseil constitutionnel a limité les possibilités de rétroactivité de la loi à l’existence d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles (cf. décision n° 89-254 DC du 4 juillet 1989 ; n° 98-404 DC du 18 décembre 1998).

Les circonstances exceptionnelles que représente la crise sanitaire actuelle justifient sans doute le recours à la rétroactivité, les événements de mai 1968 ont par exemple donné lieu à la loi n° 68-696 du 31 juillet 1968 qui a prolongé les délais de procédure et validé rétroactivement des actes antérieurs à son entrée en vigueur. 

Concernant les mesures pouvant être prises par le gouvernement. Elles concernent 

-le droit social ;

-l’aide aux entreprises ;

-la prorogation ou la suspension des délais administratifs et juridictionnels ;

-le droit procédural tant en matière de compétence territoriale que de déroulement de la garde à vue ;

-le droit des collectivités territoriales.

 

Ces ordonnances (au nombre inédit de 25) ont déjà été publiées au JORF aujourd’hui.

 

Nous vous présenterons prochainement une synthèse relative à certaines de ces ordonnances. 

 

Il peut être également noter que l’article 14 de la Loi prolonge de quatre mois les délais dans lesquels le gouvernement a été autorisé par d’autres lois à prendre des ordonnances. Il en est de même pour les délais de ratification d’ordonnances déjà prises par le gouvernement.

 

3.Le report des élections municipales

 

Le premier aliéna de l’article 19 de Loi pose le principe d'un report du second tour des élections municipales en juin pour les sièges non pourvus par le premier du tour du 15 mars 2020.

La date précise de ce second tour sera fixée par décret au plus tard le 27 mai. La décision du gouvernement devra se fonder sur un rapport du Comité scientifique, rapport qui devra également indiquer les précautions à prendre concernant le déroulement de ce second tour de scrutin. 

Concernant les déclarations de candidature à ce second tour, elles devront être déposées au plus tard le mardi suivant la publication du décret de convocation des électeurs de sorte que la campagne ne débutera qu’à compter du deuxième lundi précédant le tour de scrutin.

Dans l’hypothèse où le second tour devrait se tenir après le mois de juin, la loi prévoit, d’une part, que les sièges des conseillers municipaux et communautaires déjà attribués le 15 mars 2020 restent acquis et, d’autre part, que les mandats des élus non renouvelés soient prolongés par la loi.

Dans ce domaine également, le gouvernement est habilité pour une période d’un mois à prendre par ordonnances des mesures concernant, notamment, l’organisation du second tour, le financement des campagnes et les modalités d’élection de l’exécutif des collectivités territoriales (règles de quorum, dématérialisation du vote).

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