- Dans un arrêt du 6 janvier 2021, la Cour reconnaît pour la première fois le droit à l’employeur de demander au salarié, dont la convention individuelle de forfait en jours a été privée d’effet, le remboursement des jours de repos pour la durée de la période de suspension de la convention de forfait.
Notre recommandation :
Les employeurs actuellement en contentieux sur ces problématiques devant les juridictions prud’homales ou la Cour d’appel ont tout intérêt à rajouter une telle demande reconventionnelle dans leurs écritures.
Dans un arrêt du 27 janvier 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation fait peser une charge de la preuve plus importante sur l’employeur dans le régime pourtant partagé de la preuve en matière d’heures supplémentaires :
- Le salarié doit produire des éléments « suffisamment précis » quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies (tel un décompte d’heures jour après jour même sans précision des pauses méridiennes) à l’appui de sa demande.
- L’employeur y répond à son tour et doit être en mesure d’établir qu’il contrôle et mesure la durée du travail du salarié – conformément à ses obligations légales – et que le salarié n’a effectué aucune heure supplémentaire (ou que l’employeur n’a pas donné son accord aux heures effectuées).
Le juge statue à la lumière tant des obligations légales et réglementaires applicables, que des pièces produites par chaque partie.
En conséquence, si l’employeur n’est pas en mesure d’établir avoir contrôlé et mesuré la durée du travail du salarié, et se contente de contester les éléments fournis par le salarié, certes la Cour de cassation n’a pas encore instauré une condamnation « automatique » de l’employeur, mais le juge sera nécessairement plus enclin à octroyer un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Notre avis : La position de la Cour de cassation s’explique par l’obligation légale à la charge de l’employeur de contrôle des heures de travail effectuées, rappelée dans son arrêt du 18 mars 2020 (n°18-10.919) et par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) dans un arrêt du 14 mai 2019 (C55/18).
En effet, la CJUE a jugé que les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer le temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.
Notre recommandation :
– Pour les salariés non soumis à un horaire collectif : mettre en place un système de contrôle et de décompte des heures de travail;
– Pour les salariés en conventions de forfait en jours sur l’année : toute la difficulté pour l’employeur réside dans le fait qu’il est rarement en mesure d’établir – rétroactivement – quels avaient été les horaires de travail du salarié qu’il croyait avoir valablement soumis à une convention de forfait.
Aussi, l’employeur doit :
• En premier lieu et afin que la convention de forfait ne soit pas déclarée nulle ou inopposable, s’assurer que :
(i) les contrats de travail stipulent une clause conforme aux exigences légales, conventionnelles et jurisprudentielles ;
(ii) les modalités de mise en oeuvre et de suivi (décompte mensuel des jours et demi-journées de travail, entretiens (bi-)annuels séparés de entretiens d’évaluation, suivi de la charge de travail tout au long de l’année, …) sont respectées ; et que
(iii) les temps de repos quotidien et hebdomadaire, ainsi que les durées maximales quotidienne et hebdomadaire du travail sont respectées.
• En second lieu, parvenir à identifier un moyen technique (entrée sur site, durée de connexion, …) permettant de pouvoir établir l’absence d’heures supplémentaires si la convention de forfait était jugée illicite. Le moyen de contrôle du respect des temps de repos et des durées maximales du travail pourrait ainsi être amélioré en ce sens.
A retenir
1. L’employeur peut demander au salarié le remboursement des jours de repos versés pendant la période de suspension de la convention de forfait en jours jugée illicite.
2. Pour être en mesure d’obtenir le rejet ou la réduction des demandes d’heures supplémentaires alléguées par le salarié, l’employeur ne peut se limiter à discréditer les éléments apportés par le salarié sans établir qu’il a contrôlé et mesuré le temps de travail du salarié.