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Reconnaissance de la responsabilité de l’Etat et d’une commune à la suite du refus de permis de construire d’un parc éolien

La responsabilité des personnes publiques est relativement difficile à retenir du fait des espérances que sont susceptibles de faire naître leur attitude ou leurs décisions réglementaires. Pourtant, dans un arrêt du 23 mai 2017, la Cour administrative d’appel de Marseille a reconnu, pour la première fois à notre connaissance, une commune et l’Etat responsables à la suite du refus de permis de construire d’un parc éolien (CAA Marseille, 23 mai 2017, n°15MA05017).

En l’espèce, la société requérante avait signé, le 31 janvier 2008, une promesse de bail avec une commune pour l’implantation d’un parc éolien sur des parcelles relevant du domaine privé de cette dernière. Ces parcelles avaient été classées en zone naturelle éolien (NDe) du Plan d’Occupation des Sols (POS) par suite d’une délibération du conseil municipal et étaient comprises dans une Zone de Développement de l’Eolien (ZDE) arrêtée sur initiative de la commune.  

Bien que tout portait à croire que le permis de construire serait accordé, le préfet l’a toutefois refusé, par arrêté préfectoral du 17 juin 2012, sur le fondement des dispositions particulières au littorale (articles L. 146-1 et L. 146-4 du code de l’urbanisme) et en raison des effets du projet sur le site classé Natura 2000 dans le périmètre duquel le parc était projeté.

Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société tendant à condamner la commune et l’Etat à réparer le préjudice qu’elle avait subi du fait des dépenses qu’elle a engagées inutilement pour la réalisation de ce projet, alors que la commune et les services de l’Etat lui avait donné l’assurance de la possibilité d’implanter un parc éolien sur les parcelles faisant l’objet de la promesse de bail.

La CAA de Marseille, saisie en appel, procède à une analyse méthodique des responsabilités de chacune des parties. Elle reconnaît que la commune a donné des « assurances précises et constantes » à la société relativement à la faisabilité de l’implantation du parc éolien sur les parcelles. La Cour relève à ce titre que la commune a cherché activement à attirer des opérateurs éoliens par la modification de son POS en approuvant la création d’une zone naturelle éolien (NDe) et en initiant la création de la ZDE. La promesse de bail, la modification du POS et la création d’une ZDE ont conforté la société quant à la faisabilité du projet. Dès lors, en donnant de telles assurances à la société pétitionnaire alors que le parc éolien ne pouvait être implanté dans cette zone eu égard à la sensibilité du site, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

La CAA relève, également, la responsabilité pour faute de l’Etat, dans cette affaire. En effet, même si la création d’une ZDE ne constitue ni une autorisation d’implantation d’aérogénérateurs, ni une garantie absolue quant à l’obtention ultérieure d’un permis de construire pour leur installation, elle représente une étape sécurisant la procédure d’implantation. La Cour a conclu que la société « a pu estimer qu’elle disposait de garanties suffisantes de la part de l’Etat pour mener à bien son projet », en soulignant, par ailleurs, que la société avait attendu l’arrêté préfectoral approuvant la création de la ZDE pour débuter les études et élaborer un projet qui soit compatible avec les exigences techniques et juridiques de la ZDE. Pour la Cour, le lien de causalité direct entre la faute commise par l’Etat, constituée par les assurances fournies à tort quant à la faisabilité du projet par la création d’une ZDE, et les préjudices invoqués par la société est établi.

Le partage de responsabilité entre l’Etat et la commune est atténué par l’imprudence fautive de la société, qui aurait dû s’assurer, après la création de la ZDE, de la faisabilité de son projet. Le juge administratif apprécie, en l’espèce, de manière stricte les capacités de la société, estimant qu’en tant que professionnel de l’éolien, elle était en mesure « d’apprécier la sensibilité du site et les risques encourus quant à la réalisation effective de son projet ».

Les parties professionnelles doivent donc se montrer particulièrement prudentes et obtenir des garanties de faisabilité, qu’elles doivent elles-mêmes vérifier, pour espérer être indemniser des dépenses inutiles en cas de non réalisation du projet. Sur ce point, la Cour administrative d’appel de Marseille examine chacune des dépenses alléguées par la société. Elle détermine, d’une part, lesquelles ont été réalisées durant la période pour laquelle la responsabilité de l’Etat et de la commune est engagée (à savoir depuis la date de création de la ZDE jusqu’à la décision de refus du permis de construire). D’autre part, la Cour évalue le caractère direct du lien entre ces dépenses et l’incitation fautive des personnes publiques, condition indispensable afin d’évaluer précisément le montant du préjudice réparable.

Cette décision, par une application rigoureuse des régimes de responsabilité et du lien de causalité, sanctionne le comportement des collectivités publiques visant à attirer absolument des opérateurs éoliens, sans que les projets ne puissent arriver à terme en raison d’obstacles juridiques et techniques. Cependant, les préjudices indemnisés sont strictement visés par le juge administratif : eu égard aux faits de l’espèce, sont réparables, le cas échéant, uniquement les frais inutilement engagés pour la constitution des dossiers de permis de construire et de demande d’autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement.

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