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Suite et fin de l’affaire des éoliennes au sud de la cathédrale de Chartres

Dans un arrêt du 9 janvier 2017, la Cour administrative d’appel de Nantes s’est finalement prononcée sur la légalité des refus de permis de construire opposés par le préfet d’Eure-et-Loir dans le cadre d’un projet de construction d’un parc éolien situé au sud de Chartres qui posait problème en raison de potentielles situations de covisibilité avec la cathédrale de Chartres, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. 

La Cour a considéré, en l’espèce, que les éoliennes ne portaient pas une atteinte excessive à la perspective offerte sur cette dernière (CAA Nantes 9 janvier 2017, n°15NT03122, Inédit au recueil Lebon).

 

Cet arrêt, qui intervient après renvoi de l’affaire par le Conseil d’Etat, mérite de s’y attarder en raison de sa portée en ce qui concerne l’appréciation de l’insertion d’un parc éolien situé dans les environs d’un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

 

A l’origine de cette affaire, la société Eco Delta développait un projet de parc éolien, composé de huit éoliennes réparties en trois « bouquets » de deux ou trois aérogénérateurs, sur le territoire de trois communes situées à environ treize kilomètres au sud-ouest de Chartres. Le préfet d’Eure-et-Loir lui a opposé, le 2 décembre 2009, six arrêtés de refus de permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme* et, le 8 avril 2010, a rejeté le recours gracieux formé par le développeur à l’encontre de ces refus. Le préfet estimait que le parc éolien présentait un risque réel de concurrence visuelle avec la Cathédrale de Chartres.

 

En première instance, le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté le recours formé par la société Eco Delta à l’encontre de l’ensemble de ces décisions préfectorales (TA Orléans 6 mars 2012, n°001965-1001966-1001967-1001968-101969-1001970).

En appel, la Cour administrative de Nantes a toutefois annulé ces jugements ainsi que les décisions litigieuses en considérant que le projet n’entraînait pas d’atteinte à la conservation des perspectives offertes sur la cathédrale (CAA Nantes 11 octobre 2013, n°12NT01207).

 

Saisi d’un pourvoi du Ministre, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt d’appel au motif pris qu’il était entaché de dénaturation. La Haute juridiction a rappelé que le schéma éolien départemental a identifié une « zone de sensibilité forte du point de vue des enjeux de préservation de la cathédrale » d’un rayon de vingt-trois kilomètres au sein de laquelle un projet éolien ne peut être autorisé qu’en l’absence de covisibilité avec le monument historique. Elle a ensuite relevé que l’un des « bouquets » serait visible depuis les perspectives donnant sur la cathédrale à partir d’au moins trois lieux. Elle a considéré que les juges d’appel ne pouvaient pas, dans ces conditions, conclure à l’absence d’atteinte à la conservation des perspectives offertes sur la cathédrale (CE 9 octobre 2015, n°374008, Inédit au recueil Lebon).

 

Sur renvoi, la Cour administrative d’appel de Nantes n’a statué que sur la légalité des refus opposés à deux des trois « bouquets », c’est-à-dire ceux situés le plus au sud de la cathédrale et auxquels la société Eco Delta a finalement limité ses conclusions. Sur la base du volet paysager de l’étude d’impact, du complément paysager et de l’avis favorable de l’architecte des Bâtiments de France à l’égard des six éoliennes concernées, la Cour ne retient pas de covisibilité susceptible de fonder un motif de refus de permis de construire.

 

Le dispositif de cet arrêt est intéressant dans la mesure où, après avoir annulé le jugement du Tribunal administratif d’Orléans, la Cour use de son pouvoir d’injonction pour enjoindre au préfet non pas le réexamen des décisions mais la délivrance des permis de construire relatifs à six des huit aérogénérateurs initialement prévus et ce dans un délai d’un mois. En cela, cette décision s’éloigne de la ligne jurisprudentielle traditionnelle du Conseil d’Etat et de la majorité des cours administratives d’appel qui, en matière d’urbanisme, refusent d’enjoindre à l’administration de délivrer un permis de construire (par exemple : CE 3 juin 2013, Commune de Challex, n°350681, inédit au recueil Lebon, CAA Bordeaux 26 mai 2009, Commune de Luant, n°08BX02370).

 

Enfin, cette série d’arrêts aura été l’occasion d’affirmer un considérant de principe désormais classique qui précise que « pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient [à l’autorité compétente] d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site » (CE 13 juillet 2012, Association Engoulevent, n°345970, mentionné aux tables du recueil Lebon).

 

*A noter que l’article R. 111-21 du Code de l’urbanisme applicable à l’espèce est désormais repris à l’article R.111-27 du même code depuis l’entrée en vigueur du décret n°2015-1783 du 28 décembre 2015.

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